vendredi 19 novembre 2010

Louis-Ferdinand Céline : Mort à crédit au théâtre

Sud-Ouest.com, 19/11/2010 : Eric Sanson donne un extrait de « Mort à Crédit » seul sur les planches dans une mise en scène de Renaud Cojo.

Sanson écume la marmite célinienne et c'est Renaud Cojo qui touille. Le résultat de cette tambouille sera visible pendant plus d'un mois. Au moins. Sanson fait « Crédit ». Pour peu, ce comédien qui s'est fait tout seul de rôle en rôle dirait qu'il ne serait rien sans Louis-Ferdinand Destouches.

« Mort à Crédit » est un roman d'apprentissage, paru en 1936. On y remonte le temps avec Ferdinand, l'antihéros narrateur de « Voyage au bout de la nuit » (1932), déjà anarchiste bourré de négatif entre deux branlettes, arpète « bon débarras » casé par ses parents.

Céline ne croit pas à la religion scientifique. Il la pressent nocive et flaire peut-être le champignon atomique à plein nez d'avenir. D'un rire mauvais, il se moque. Pour son Courtial des Pereires, à qui le jeune Ferdinand est confié, il s'est peut-être inspiré de l'astronome Camille Flammarion, parangon du vulgarisateur Belle Epoque. Nous sommes en 1905. Qui ne croyait aux bénéfices des fluides était andouille obscurantiste à cette époque. Auteur d'ouvrages aussi hétéroclites que « l'Elevage des poules au foyer » et « La Révélation hindoustane » il pose une loupiote savante sur à peu près tout, il est l'Homais de Flaubert sous LSD. Sanson est la voix de ce trip au bout du scientisme qui se la raconte.

Exclamation et compagnie
Reste à trouver la bonne mesure pour le comédien aux prises avec ces diatribes qui font dans l'excès, la caricature, la charge au sabre. Difficile de rester frais au milieu de tous ces points d'exclamations. Sanson s'enflamme, décolle, s'élève, explore les tendances à l'éructation. Courtial c'est lui, esquif baveux sur la surface des phénomènes.

Renaud Cojo est là pour prévenir la tentation Haddock, la chute libre en vrille de la montgolfière : « On a cherché un équilibre, je crois qu'on l'a trouvé. Le danger, c'est d'en rajouter avec ce genre de texte. » C'est un peu comme l'assaisonnement. Il faut saler pour atteindre le summum de goût mais un grain de sel surnuméraire et hop, il faut balancer le potage.

Cojo a confiance. Sous l'admiration perce une forme de respect pour le poète du Petit Théâtre, lieu. « Il est à fond. Son patron, c'est lui-même. Il se débrouille… Il peut se permettre de se concentrer sur son métier, ses personnages. Il n'a pas la tête prise par les attentes de subventions, les diffuseurs, il ne calcule pas… » Un fond vide, un fauteuil, une bassine : Sanson vous attend.

Joël RAFFIER

Du 20 novembre au 30 janvier
Les jeudis, vendredis et samedis à 20 h 30
Le dimanche à 15 h 30

Petit-Théâtre,
Rue du Faubourg des Arts
Bordeaux.
Renseignements : 05 56 51 04 73

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