dimanche 5 décembre 2010

Mise en ligne du Journal des marches et opérations du 12è cuirassiers

L’un des exercices favoris des biographes céliniens consiste en la démystification des discours publiés par l’auteur. Il est utile, dans ce cas, de mobiliser des documents annexes et fiables qui, en évoquant les faits et gestes de Céline à tel ou tel moment de son existence, permettent de démêler le vrai du faux et de mettre au jour les petits faits vrais qui ont alimenté l’écriture et les fantasmagories du romancier.

Dans le cas de la Grande Guerre, l’un de ces documents est aujourd’hui accessible à tous. Il s’agit du Journal des marches et des opérations (JMO) du 12e cuirassiers. En effet, depuis novembre 2008, il est possible de visualiser sur le site « Mémoire des hommes » les fiches originales conservées jusqu’alors dans les fonds d’archive. Parmi les 3,3 millions de pages qui racontent le quotidien des soldats de 14-18, le JMO du 12e cuirassiers permet de suivre étape par étape les 1483 kilomètres (1) parcourus par le cavalier Destouches, depuis la mobilisation générale, jusqu’à son évacuation en octobre 1914.

Le 31 juillet 1914, sous les ordres du colonel Henry Blacque-Bélair, le « margis » Destouches et son cheval anglo-normand quittaient la caserne de Rambouillet. Armés d’un sabre et d’une carabine, équipés de munitions et de vivres, couverts d’une coquille de tôle d’acier embouti pesant de 6 à 8 kilos, les cavaliers et leur monture embarquèrent le lendemain pour se rendre en train à Sorcy-Saint-Martin, dans l’actuel département de la Meuse. Commença alors une remontée désordonnée vers le Nord. Durant les mois d’août et de septembre 1914, dans la confusion la plus totale, guidé par des injonctions contradictoires, le 12e cuirassiers évolua dans la Woëvre et dans l’Argonne, s’arrêtant par étapes dans des villages dont les noms allaient devenir synonymes de massacre : Apremont, Les Éparges… La guerre, qui avait commencé comme une promenade estivale, montra peu à peu les contours de sa face sombre. Des villages brûlaient au loin, les habitants fuyaient, des patrouilles s’accrochaient, et, le 18 août, le 12e « Cuir » compta son premier blessé. Ce n’est cependant que le 10 septembre, en apportant une contribution décisive à la bataille de la Marne, que le régiment découvrit le vrai visage de la guerre. La tuerie fut redoutable et le combat dura trois jours. S’en suivit une période d’attente durant laquelle le régiment revint sur ses pas pour reprendre un train, précisément là où il se trouvait trois semaines plus tôt, et se rendre dans la région d’Armentières afin d’y mener de nouveaux combats. Les attaques gagnèrent en intensité, et les pertes, en nombre. Le jeune Destouches, tout au long du mois d’octobre 1914, éprouva les horreurs croissantes de la guerre. Les 23 et 24 octobre, le 12e cuirrasiers fit mouvement dans la région d’Ypres, qui allait devenir le terrain d’expérimentation de la guerre des gaz. Du 25 au 28, il assura la couverture du flanc gauche d’un régiment d’infanterie qui avait reçu pour ordre de reprendre Poelkappelle. C’est là, le 27 octobre, en revenant d’une mission de transmission périlleuse pour laquelle il s’était porté volontaire, que le cavalier descendu de cheval fut atteint au bras droit par une balle. Il obtint ainsi la reconnaissance de ses chefs et une évacuation qui donnèrent lieu, quelques mois plus tard, pour la première, à l’obtention de la médaille militaire et, pour la seconde, à la démobilisation.

Charles-Louis ROSEAU


1- Ce chiffre est donné par Jean Bastier dans Le Cuirassier Blessé, Céline 1914-1916, Tusson, Du Lérot, 1999

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